‘Traces’ of Amos Gitai at Palais de Tokyo
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by Kathryn Hall
Trainee architect turned soldier turned filmmaker Amos Gitai, known for his often didactic documentary and fictionalised explorations into the relationship between war, religion, the citizen, and the state in modern day Israel, is currently harbouring sixteen ‘Traces’ of his films underground in Palais de Tokyo.
The ‘chantier,’ as this space is called, is pretty fitting as a location for Gitai’s installation. Never sentimentalising or decorative in his approach to historical filmmaking, this vast, long-abandoned area, with its dinginess and dustiness, its bare pillars and musky scent, is similarly lacking in embellishment. His films are projected in an unfussy, unpolished manner straight onto uneven concrete and brickwork, giving them even more of a sense of urgency and essentialness. It’s a site currently under reconstruction, and on taking tentative steps downwards into this breezy bunker the infrastructural shadows of its former glory can be seen: relics of grandiose light fixtures and long out of use wiring hang overhead, while beyond building site railings lie steps that now lead into nothingness and crumbling lettering indicating its previous stint as cinematheque.
Gitai’s films explore exile and oppression, themes made more pronounced by the fact that many excerpts are viewed from a distance, through bars of the metal fencing. In ‘Free Zone (www.youtube.com/watch?v=UlSRlCS8dbA),’ its striking opening scene with Natalie Portman on display here, Gitai addresses boundaries both physical and mental, and walking around this exhibition it’s difficult to know at all times where boundaries lie; some areas are blocked off, at times seemingly arbitrarily, while other corners lay open but intimidating in their dark emptiness.
While the previous exhibition, Sophie Calle’s ‘Rachel, Monique,’ inaugurated this unique space with a showcase of grief for her late mother, Gitai’s subject in much of the work here is paternal, though his focus is more on his father’s life than his death. ‘Lullaby to My Father’ is a work in progress, introduced with photography of his father, German-Jewish architect Munio Weinraub, official documents relating to him, and a dedicatory poem written by Gitai. A student at the Bauhaus, Weinraub worked under Mies van der Rohe until the school was forced to close in 1933, being too forward-thinking for Hitler’s conservative tastes. Following anti-fascist activism, he was put on trial for treason and subsequently imprisoned and exiled to Switzerland, before departing for Palestine. Just as his father refused nostalgia for the past in his architectural design, so Gitai’s series of shorts chronicle Weinraub’s experience without romanticising (we don’t even see a human portrayal of Weinraub). A slow, tracking shot of an abandoned Nazi fort is followed by hands type-writing Weinraub’s verdict, and the courtroom scene, presented with titles in a style similar to a contemporary TV news headline, while on an adjoining wall is a snippet from Gitai’s 1994 documentation of Alessandra Mussolini’s mayoral campaign in ‘Au Nom du Duce’; these act both as a haunting reminder of what has come before and as a caution for the potential for something comparable to come again.
The mood here is at times oppressive as its impossible to focus in on just one projection at any time. A violin lament from the first film overlaps with Natalie Portman’s tears and an emotional rendition of Hebrew song ‘Had Gadia,’ followed by more violin, the tap-tap-tapping of the typewriter, then overlaid with the bustling bodies of ‘Au Nom du Duce,’ and the harsh delivery of the German judge. It’s an overwhelming visual and sonic experience, offering no respite, but it seems that this is the point; taken together these films make us reflect on our own sense of boundary and security, while also reminding us of the world’s ongoing turbulence.
Gitai’s films are appearing on the walls at Palais de Tokyo until 10th April, at 5€ a ticket.
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“Traces” d’Amos Gitai au Palais de Tokyo
par Kathryn Hall
Traduit de l’anglais par Hugues Vernet
Apprenti architecte, puis soldat, puis réalisateur, Amos Gitai, connu pour ses documentaires souvent didactiques et ses explorations romancées sur la relation entre guerre, religion, état et citoyen dans l’Israël moderne, héberge en ce moment seize « Traces » de ses films au sous-sol du Palais de Tokyo.
Le « chantier », tel qu’est appelé l’espace, convient parfaitement à l’installation de Gitai. A l’image de sa réalisation, jamais sentimentaliste ou décorative dans son approche des films historiques, cet espace vaste depuis longtemps abandonné, d’aspect sombre et poussiéreux, avec des piliers nus et une odeur musquée, manque pareillement d’embellissements. Ses films sont présentés de manière brute et sans apprêts, projetés directement sur du béton irrégulier et sur des briques, ce qui leur donne un aspect urgent et allant à l’essentiel. C’est pour l’instant un site en reconstruction, et en avançant de quelques pas timides vers le bas de ce bunker éventré, on peut apercevoir l’ombre architecturale de sa gloire passée : les reliques d’installations d’éclairage grandioses et de longs câbles hors-service pendant au plafond, et au-delà des barrières du site, des marches ne menant nulle-part et des lettres croulantes indiquant la cinémathèque qui se trouvait là auparavant.
Les films de Gitai explorent l’exil et l’oppression, des thèmes rendus encore plus présents par la distanciation avec laquelle sont présentés beaucoup d’extraits, visibles seulement à travers les barres d’une barrière en métal. Dans « Free Zone » (zone libre) (www.youtube.com/watch?v=UlSRlCS8dbA), dont la scène d’ouverture marquante avec Natalie Portman est montrée ci-dessus, Gitai s’attaque aux frontières physiques et mentales, et en parcourant cette exposition il est parfois difficile de savoir où se trouvent ces frontières ; certains espaces sont fermés, par moments de façon arbitraire semble-t-il, alors que d’autres réduits sont bien ouverts mais intimident à cause de leurs recoins sombres et vides.
L’exposition précédente, « Rachel, Monique » de Sophie Calle, a inauguré cet espace unique par une exposition de douleur pour sa mère décédée, alors que Gitai aborde le sujet du père dans la majeure partie du travail qu’il présente ici, bien qu’il se concentre sur la vie de son père plutôt que sur sa mort. « Lullaby to my father » (Berceuse pour mon père) est une œuvre en cours d’exécution, qui contient des photographies de son père, l’architecte juif-allemand Munio Weinraub, des documents officiels en rapport avec lui, et un poème écrit par Gitai qui lui est dédicacé. Weinraub, un élève du Bauhaus, travailla sous la direction de Mies van Rohe jusqu’à ce que l’école soit obligée de fermer, étant trop avant-gardiste pour les gouts conservateurs d’Hitler. Dû à son activisme antifasciste, il fut jugé pour trahison et par la suite emprisonné et exilé en Suisse, avant de partir vers la Palestine. De la même façon que son père refusait la nostalgie du passé dans son architecture, la série de photos de Gitai chroniquent la vie de Weinraub sans la romancer (on ne voit pas une seule représentation humaine de Weinraub). Le travelling lent d’un fort nazi abandonné est suivi par l’image des mains tapant le verdict de Weinraub à la machine, puis par la scène du tribunal, présentée avec des titres défilant à la manière des informations télévisées contemporaines, tandis que sur le mur voisin est projeté un fragment du documentaire réalisé par Gitai en 1994 au sujet de la campagne pour les élections municipales d’Alessandra Mussolini « Au Nom du Duce » ; ces entités agissent comme un rappel obsédant de ce qui est déjà arrivé, mais aussi comme une mise en garde du danger potentiel que quelque chose de comparable se reproduise.
L’ambiance est parfois oppressive, parce qu’il est impossible de se concentrer sur une seule projection à la fois. Une lamentation de violon déborde sur les larmes de Natalie Portman et une interprétation émotionnelle de la chanson hébraïque « Had Gadia » est accompagnée par un violon et les cliquetis des machines à écrire, puis superposé avec les corps animés d’« Au Nom du Duce » et la déclaration sèche du verdict allemand. C’est une expérience auditive et visuelle bouleversante qui n’offre aucun repos, mais il semble que le but soit bien là ; mis côte à côte, ces films nous font réfléchir sur notre propre sens des limites et de la sécurité, tout en nous rappelant la turbulence continue du monde.
Les films de Gitai sont projetés sur les murs du Palais de Tokyo jusqu’au 10 Avril, pour 5 euros le ticket.